Portrait de notre invité-vedette de ce mercredi 13/11/2019 : Claude Dubois

C’est un homme aux multiples talents que nous allons rencontrer ce soir : pilote, préparateur de voitures de courses, team manager, distributeur puis importateur de marques prestigieuses, l’homme a traversé une époque magique du sport automobile, où les pilotes savaient prendre des risques au volant de bolides puissants mais à la tenue de route hasardeuse, avec un casque pour seul élément de sécurité ! Soutenu par sa passion, son talent et sa ténacité aussi, Claude Dubois a participé avec succès aux plus grandes épreuves automobiles des années cinquante et soixante. Né à Bruxelles avant la guerre, il passe une enfance heureuse et après le conflit, il poursuit des études commerciales mais son goût de la mécanique et son intérêt grandissant pour les voitures l’attire vers la compétition qu’il va pratiquer avec une Triumph TR2. Le soin qu’il apporte à sa voiture et le sérieux avec lequel il aborde le sport automobile lui vaut la sympathie de Paul Frère qui le guidera dans son évolution. Il se lance dans les rallyes, courses de côte, puis sur le « grand Francorchamps » où son style d’attaquant attire l’attention de l’Ecurie Nationale Belge qui lui prête fin ’56 une Porsche 550 pour le GP de Suède avec la pilote belge Gilberte Thirion (4e de cat.). Avec la même voiture, il est engagé l’année suivante au Nürburgring avec Georges Harris (3e de Cat.), puis au Mans avec Georges Hacquin (Ab).

Graduellement, l’ENB lui prête des voitures plus puissantes : Jaguar D, pour le GP de Suède ’57 (5e gén), Ferrari 500 TRC au Tourist Trophy (17e gén), Lister Jaguar pour Le Mans ’58 (Ab). Parallèlement, ses résultats en rallyes belges lui valent un volant d’usine chez Triumph pour le Tour de Belgique ’57 (3e gén.), les « Liège » ’58 (6e gén), ’59 et ’60 (Ab deux fois).

En ’59, il est encore appelé par Triumph pour les 24 hrs du Mans sur les TR3S très spéciales (Ab – radiateur) ; il termine le Tour de Belgique à la 2e place gén sur son habituelle Triumph.

En 62, sur une Abarth de l’ENB, il roule à Spa (2e cat), au Nürburgring (3e cat), au Mans (1er cat.) et Pergusa (2e gen) ; il participe avec L. Bianchi au Tour de France sur Ferrari GTO (1er, puis 7e gén, après un accident proche de l’arrivée). A la fin de cette année, il fait la rencontre du comte de Montaigu qui l’incite à monter son atelier de préparation en s’associant avec lui. C’est ainsi qu’en 1963, il aura l’occasion de s’essayer sur Jaguar E (1er de cat à la CC du Mont Ventoux), puis au Tour de France avec une Jaguar MKII (Ab. Boîte). L’hiver ‘63/’64 se passe dans l’atelier à vendre des accessoires spéciaux, à préparer les voitures de sa clientèle mais aussi celles du marquis : sur la MKII complètement révisée, il termine 1er gén aux Coupes de Spa en ’64 ; il participe au Mans sur la nouvelle Sunbeam Tiger d’usine, animée par le fameux bloc V8 Ford, alors au début de son développement (Ab.- surchauffe) ; puis, il participe aux 12 Hrs de Reims sur Porsche 904 (13e au gén. avec Annie Soisbault), au Tour de France sur GTO (8e au gén. avec de Montaigu) et aux 1000 km de Paris (13e avec Gustave Gosselin).

En 1965, il est appelé par Triumph qui a développé la Spitfire en coupé aérodynamique muni d’un excellent moteur (14e gén.2e de cat. avec J.F. Piot). Janvier 1966, c’est le début de la période Ford et il vend les fameuses Shelby et Ac Cobra lors du salon de l’Auto à Bruxelles.

Toutefois, cette position ne lui permet pas de briguer un volant Ford pour Le Mans car le staff américain – sans doute anxieux de perdre encore une fois la course après deux échecs consécutifs ! – donne la préférence aux pilotes américains dotés d’un gros palmarès. C’est ainsi qu’il se retrouve en compagnie de l’excellent P. Noblet, sur une Ferrari 275 GTB de J. Swaters (12gén et 2e en GT). La réaction de Ford ne se fait pas attendre : d’abord excédé, puis devenu compréhensif suite aux explications de Claude, Rik Daems, le grand patron de Ford-Belgique, lui promet une Shelby GT350 « R » pour Le Mans 1967. Après une nouvelle préparation soigneuse, l’équipage Dubois-Tuerlinckx doit néanmoins abandonner à la 7e hr (boîte).

Fin 1967, après une dernière victoire à Zandvoort, il met fin à sa carrière de pilote pour s’occuper, dès 1968, de l’importation en Benelux de AC Cars ; en parallèle, il devient team-manager en s’occupant de la GT40 de « Beurlys » et de la Mustang de « Eldé » aux 24 Hrs de Francorchamps.

En 1969, à nouveau au Salon de Bruxelles, il représente la marque italienne De Tomaso (qui est animée par un gros V8 …Ford !)et la nouvelle Mangusta est sur son stand à côté de la nouvelle Shelby à moteur 5,7 l. L’année 1970 marquera la fin de la distribution des Shelby car Ford arrête la production de ses activités « performances », sous l’impulsion des nouvelles normes anti-pollution édictées par le gouvernement américain. En janvier 1971, c’est la nouvelle Pantera qu’il présente au Salon de Bruxelles. Puis, en 1972, il fera rouler une Pantera groupe 4 pour Jean-Marie Jacqmain et Yves Deprez victoire aux 1000 km de Spa, puis aux 24 hrs du Mans (14e), puis 2e aux Coupes Benelux..

En 1980, il se fait engager par International Motor Cy (Toyota) pour y diriger le nouveau département voitures exotiques. Il introduit De Tomaso et Maserati. Puis viennent Rolls-Royce et Lotus. Fin 1982, il quitte ce groupe en récupérant la marque Chrysler, au plus bas à cette époque. De 1983 à 1993, il monte la société Chrysler-Jeep Belgium, dont il devient l’administrateur délégué en 1988 ; les ventes remontent et il réorganise le réseau, tant et si bien que la société effectue un rétablissement d’envergure. Il prend sa retraite en janvier 1993. Actuellement, il occupe un poste de conseiller technique pour la société Belge « Gentleman Car », importateur officiel pour l’Europe des Shelby Cobra et GT40 « continuation », toujours construites par les ateliers Shelby à Las Vegas.

Portrait de notre second invité-vedette de ce mercredi 13 novembre 2019 : Willy BRAILLARD
Willy est également bien placé pour venir nous parler ce soir des 24 heures du Mans, puis- qu’il y a participé à quatre reprises, sans toutefois inscrire son nom au palmarès de cette terrible épreuve :

Année Equipier Voiture Résultat Classt à l’heure précédente

1970 J.P. Gaban Porsche 911S ab.11e hre(b.v. bloquée) 26e

1971 J.P. Gaban Porsche 911S ab. 8e hre (moteur) 33e

1977 N. Koob Porsche 934 ab. 15e hre (turbo) 31e
& G. Ortega

1978 J. & J.L. Ravenel Porsche 934 ab. 7e hre (pompe inj.) 47e
& P.Dagoreau

Né le 12 mai 1946 à Uccle, il a accompli sa carrière automobile en tant que pilote semi-professionnel sur les circuits belges mais également à l’étranger.

Il fait ses grands début en Formule Vee 1300 nationale sur une Apal et se distingue d’emblée.

Il est déjà sacré en 1967 champion de Belgique de cette discipline qui permettait à des jeunes talents de s’exprimer en monoplace. Il devient en 1968 champion de Belgique des circuits en Formule Vee 1300 internationale cette fois-ci sur une Smithfield. Ses débuts en tourisme remontent en 1969 lors des 24 Hrs de Francorchamps où il termine 4e au classement général avec René Moerenhout sur Porsche 911. Il poursuit la filière VW en 1970 où il devient alors champion d’Europe continentale en F. Vee 1300 sur une voiture construite par le fameux Aldo Celi, la AC2. Sa progression est fulgurante si bien qu’il se retrouve cette année-là au départ de ses premières 24 Hrs du Mans, en étant le plus jeune pilote en course.

En 1971, il passe pilote officiel chez Fuchs en formule Super VW. Il participe au Mans, à nouveau dans la catégorie Grand Tourisme, avec J.P. Gaban et la Porsche 911. L’année suivante, il passe en courses de côte sur une rapide Pygmée de Formule 2 et participe au championnat mondial de Formule Super VW à Daytona. Il s’essaiera ensuite dans les années suivantes sur des voitures de tourisme avec le même brio : sur BMW (1er aux 24 H de Nivelles avec J. Xhenceval), Opel, Porsche, Toyota Célica (champ. De Belgique Tourisme 1975 en 1600 cc).

En 1977, on le retrouve avec une Vauxhall Magnum lors des manches du championnat de Belgique et il fait partie de l’équipe victorieuse à la Coupe du Roi lors des 24 H. de Francorchamps. En 1978, il remporte encore les 600 Km de Francorchamps et les Coupes de Spa sur BMW et le GP de Zolder sur Porsche 934.

En monoplace, il laissera un souvenir mémorable sur le circuit de Nivelles lors du GP de Formule 2 1973 sur une Surtees d’usine : 10e en première manche et 6e en seconde manche (juste avant son abandon) avec en plus le record du tour …devant d’autres pilotes de F1 !

Après 1978, il fait une pause d’environ quinze ans pour développer ses affaires dans le marketing mais la passion reste tenace et il reprend le casque en 1993 /94 /95 sur des protos Ford et Lola (victoires avec Pierre Dieudonné aux 24 H. du Ricard, 12 H. de Magny-Cours et 6 H. de Francorchamps). Très rapide en monoplace, c’est également un excellent pilote en endurance puisqu’il a participé une dizaine de fois aux 24 Hrs de Francorchamps et quatre fois aux 24 Hrs du Mans.

Il vient donc nous entretenir de son expérience et de son point de vue personnels sur le célèbre circuit de la Sarthe dans les années ’70 à ’80, une époque déjà très différente à laquelle notre autre invité, Claude Dubois, a enregistré ses participations.

Petite histoire de la Shelby 350 GT de Claude Dubois aux 24 Hrs du Mans 1967
Plus de 1000 Mustang 350 GT haute performance ont été construites pour la route par Shelby American Inc., avec de nombreuses modifications dont le moteur Ford de 4,7 litres. La plupart ont reçu la livrée blanche avec 2 bandes bleues aux couleurs compétition des Usa. Et en effet, en compétition, elles ont bien connu le succès. En 1967, Claude Dubois, importateur Shelby pour le Benelux, distribue les modèles Mustang, Cobra et GT 40; il décide de s’inscrire au Mans avec la 350 GT de Ford Belgium en compagnie d’un autre pilote belge habitué des Américaines, Chris Tuerlinckx. Mais la voiture a déjà deux ans et se comporte lamentablement lors des essais d’avril. Avec la complicité de Carroll Shelby, Claude reçoit de Ford un nouveau groupe moteur/transmission et son équipe révise l’auto de fond en comble. Tout se présente donc pour le mieux quand il commence la course mais dans la mêlée du départ, il perd le spoiler avant et doit faire réparer. Chris assure un bon relais mais peu avant 22 hrs, ils connaissent des ennuis : c’est une fissure dans la boîte de vitesses qui provoquera une perte d’huile et l’abandon.

Deux mois plus tard, c’est le même problème qui éliminera la Mustang – dont la mécanique a été transférée dans une caisse de coupé – pour les 24 hrs de Francorchamps ; Claude l’utilisera encore lors de sa dernière course à Zandvoort, en remportant la victoire ; il se consacrera ensuite à son entreprise. Plus tard, la voiture équipée d’une autre boîte, terminera 2e des 24 hrs de Spa 1968.


Petite histoire des 24 Hrs du Mans
C’est en octobre 1922 que Charles Faroux, célèbre journaliste automobile et Georges Durand, secrétaire de l’Automobile Club de l’Ouest, dont le siège était au Mans, eurent l’idée d’une course automobile de 24 heures, visant à servir de test d’endurance pour les constructeurs de voitures de tourisme. Le coup de pouce définitif fut donné par Emile Coquille, directeur de la filiale française de Rudge-Withworth, société fabriquant des roues, lequel proposait une somme de cent mille francs pour subventionner la course qu’il plairait à l’A.C.O. et à son président, Gustave Singher, de créer, vu le sérieux de leur organisation. C’est sous l’impulsion de ces hommes que se coururent les premières « 24 heures du Mans » en mai 1923. Les Français Lagache et Léonard sur Chenard & Walker furent les premiers à ouvrir un palmarès qui n’est pas prêt de s’arrêter.

Une course de 24 heures n’était pas une nouveauté à cette époque puisque de telles épreuves se disputaient aux Etats-Unis, mais dans les conditions artificielles de circuits éclairés. L’idée de Faroux consistait à faire rouler les voitures non-stop un jour entier. Le circuit tracé dans la banlieue du Mans, de Mulsanne et d’Arnage consistait en routes ordinaires non éclairées dans sa plus grande partie. La course devait permettre un test sévère non seulement des moteurs ou des freins mais aussi de la partie électrique de voitures. Dans les premières années, on vit surtout les constructeurs français, puis les britanniques sont venus rafler les victoires avec leurs impressionnantes Bentley. Le Mans connut alors une internationalisation avec la participation des italiens et les victoires d’Alfa Roméo. Parallèlement, l’ACO améliorait son organisation et le tracé du circuit qui connut au fil des ans des modifications importantes, pour l’accès et la sécurité des spectateurs, ainsi que l’amélioration des conditions de logement et de travail des équipes entourant les pilotes.

Les dernières 24 heures avant la seconde guerre mondiale eurent lieu en 1939 avec la deuxième victoire de Bugatti. Puis ce fut l’occupation allemande et le circuit fut réquisitionné pour desservir l’aéroport qui le longeait. Lors de la reprise des courses en 1949, une nouvelle marque fit son apparition : Ferrari, avec une voiture rapide et moderne a devancé la concurrence française. A partir de 1953, l’épreuve compte pour le championnat du monde des constructeurs et le succès fut au rendez-vous. Hélas, l’année 1955 est à marquer d’une pierre noire : un terrible accident provoqua la perte de nombreuses vies humaines : la Mercedes du pilote français Levegh ayant heurté l’Austin de l’Anglais Macklin devant les tribunes centrales, monta sur le terre-plein, décolla et explosa, tuant 83 personnes en plus du malheureux pilote. Une pareille catastrophe déchaîna toute la presse. Faroux, directeur de course, fut accusé de ne pas avoir arrêté l’épreuve ; mais il se défendit en expliquant que s’il l’avait fait, tout le public, estimé à 250.000 personnes, massé à cet endroit et cherchant à quitter le circuit, aurait empêché l’arrivée en urgence des secours. Ce tragique événement incita les organisateurs à revoir toutes les mesures de sécurité qui avaient d’ailleurs déjà été améliorées au cours des années. D’importants travaux furent réalisés et à ce jour, de nombreuses transformations ont été entreprises tant pour la sécurité du public que pour gérer le confort des invités, de la presse, pour faciliter les accès des spectateurs mais aussi des riverains et des entreprises installées dans la périphérie du circuit. Ceci, afin d’assurer la possibilité matérielle pour que cette classique épreuve d’endurance puisse toujours avoir lieu à l’avenir, mais aussi afin de sauvegarder au circuit sa physionomie et ses exigences propres à toute épreuve sportive.